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STATUT ADMINISTRATIF
LE TRAITEMENT LEGISLATIF
Un traitement legislatif dérogatoire du droit commun. Quatre ensembles législatifs ponctuent le XX siècle : 1912 – 1969 – 1990 – 2000
1912
1969
1990
Jusqu’en 1912, aucune disposition législative ne concerne spécifiquement, en France, les populations nomades, les réglementations précédentes étant devenues sans objet. Avec la Loi du 16 juillet 1912, est établie une nette distinction entre les marchands ambulants et les personnes considérées comme "nomades", les Tsiganes en particulier. Elle oblige ces derniers à détenir un carnet anthropométrique avec mention de signes discriminatoires dans la mesure où les marchands ambulants et les forains n’y sont pas soumis. Leur mobilité est alors fortement entravée et contrôlée au mépris de leurs réalités et besoins de survie économique et familiale.
Outre le carnet individuel, dont la Loi précisait qu’il devait être détenu dès l’âge de 13 ans, le groupe devait être muni d’un carnet collectif mentionnant tous les membres de sa famille et la roulotte devait disposer "d’une plaque de contrôle spéciale". Obligation aussi pour le nomade, à chaque déplacement sur une commune, de présenter son carnet "à fin de visa au commissaire de police ou à défaut de brigade de gendarmerie, au maire". Les décennies suivantes ne feront que renforcer ce rejet et cette mise à l’écart qui trouverons leur apogée de relégation et de discrimination dans les années 1939 – 1945, à travers l’internement des Tsiganes en France ou leur extermination dans les camps nazis.
La Loi du 3 janvier 1969 tente de se démarquer de la législation précédente. Elle met en avant un nouveau concept celui de "personne circulant en France sans domicile fixe ni résidence fixe" et non plus "nomade". Elle souhaite ainsi mettre fin "à des injustices identifiées" par l’accès aux droits sociaux en créant de nouveaux titres de circulation destinés à ces populations "qui bougent" en les attachant à des pratiques économiques ou des conditions de ressources. Mais cet assouplissement de la Loi reste ambigu, car la liberté d’aller et venir (Droit constitutionnel) est encadrée par des obligations dérogatoires du droit commun qui stipulent le rattachement à une commune pour l’exercice des droits sociaux.
Comme la loi précédente , sous des formes apparemment souples prises dans un esprit humaniste au regard du lourd tribut payé par les nomades durant la seconde guerre, et de l’opprobre qui ressort de la loi 1912, celle de 1969 maintient des dispositions dérogatoires du droit commun. Ainsi la liberté d’aller et venir est encadrée et le statut juridique qui définissent ces populations restent, une nouvelle fois , soumises à contrôle pour tenter de préserver l’ordre public.
Cette Loi n’aborde pas la question du séjour des "Gens du voyage", elle s’inscrit dans la réglementation générale du stationnement des caravanes. Issue de réglementations diverses, la loi 1969 est essentiellement construite sur des interdictions liées à des sanctions en cas de non respect ou des obligations d’autorisations. Sur le domaine de droit privé (les terrains dont les familles sont propriétaires) les dispositions de la Loi sont toutes aussi réductrices du fait de son inscription dans la législation relative aux campings, c’est à dire à l’usage de la caravane pour les loisirs qu’il s’agit de canaliser. Dans ce contexte, le stationnement des "Gens du Voyage" bénéficie de quelques aménagements réglementaires par l’obligation, entre autre, d’un accueil d’au minimum 48 heures sur des terrains publics en l’absence de lieux d’accueil spécifiques réservés. (les familles Tsiganes les nomment "terrains désignés", d’autres chez les non Tsiganes les appellent "camps"). Comme d’un assouplissement des visas apposés sur les titres de circulation, ramenés à 3 mois pour les carnets de circulation et un an pour les livrets.
Néanmoins les quelques aménagements qui sont acceptés ne suffisent pas à gommer les distorsions entre le droit constitutionnel d’aller et venir et la réglementation : les familles Tsiganes en caravane n’ont pas accès aux terrains de camping, celles qui vivent en pavillon et partent l’été en vacances n’ont accès ni aux terrains de campings ni aux "terrains désignés" parce qu’elles ne possèdent pas de titres de circulation. Ces interdictions renforcent la stigmatisation et le rejet continu de ces populations.
De fait, le législateur au lieu de traiter du vrai problème lié aux préjugés "nomade" = "insécurité", a préféré utiliser un moyen détourné, celui de l’incitation à la sédentarisation. Une circulaire (non publiée) du 8 janvier 1973, du Ministère de l’Intérieur indiquait que :"Les dispositions de la Loi de 1969 procèdent de l’intention nettement affirmée tant par le législateur que par le gouvernement de favoriser une sédentarisation progressive des personnes qui circulent actuellement en France sans domicile ni résidence fixe".
La Loi du 31 mai 1990, dite Loi Besson sur "L’accès au Logement des Plus Démunis", sert de support à la réactualisation des lois précédentes sur l’accueil et le stationnement. Ces lois ne prennent pas en compte les familles Tsiganes, Gens du voyage qui ne vivent pas en caravane.
Des débats houleux à l’Assemblée Nationale, précéderont l’adoption de l’article 28 de la Loi qui définit les conditions d’accueil et les obligations réciproques des collectivités locales et des "Gens du Voyage".
"Art.28 – Un schéma départemental prévoit les conditions d’accueil spécifiques des Gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant les conditions de scolarisation des enfants et celles d’exercice des activités économiques.
Toute commune de plus de 5000 habitants prévoit les conditions de passage et de séjour des Gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet. Dès la réalisation de l’aire d’accueil définie à l’alinéa ci-dessus, le maire ou les maires des communes qui se sont regroupées pour la réaliser pourront, par arrêté municipal, "interdire le stationnement des Gens du voyage sur le reste du territoire communal" (Extrait de la loi)
Le texte sera adopté malgré l’opposition du gouvernement face à la proposition d’introduire dans la Loi une catégorie de population avec le risque de la stigmatiser et son hésitation sur l’opportunité de relier cet article à la Loi sur le Logement des Plus Démunis.
L’article 28, dont était attendue une amélioration des conditions d’accueil ne déroge pas à la logique sécuritaire des années antérieures et a eu pour effet un renforcement des discriminations. Les lieux de halte obligés qu’il préconise ne peuvent que détruire la dynamique interne des familles et des groupes par, le renfermement dans un lieu clos et gardienné et la négation des réalités de l’espace social recherché par les populations.
Dix ans après le constat est sévère :le déficit de places d’accueil s’est accru par la disparition des terrains existants et le manque d’offres nouvelles. La non reconnaissance de la réalité "nomade" et de la diversité des situations perdure. En effet, c’est toujours à travers les problèmes de stationnement, d’occupation illicite de l’espace (faute de réponses), de conflits avec le voisinage, de problèmes d’hygiène et de troubles à l’ordre public que les familles sont appréhendées. S’y ajoutent souvent des connotations de discrimination ethnique et de dangerosité. Aucune solution globale d’analyse de besoins n’est envisagée et les familles sédentarisées ou souhaitant interrompre le voyage pour un temps sont totalement démunies de solutions adaptées.
2000
Devant l’échec des dispositions de la Loi de 1990 et face à la montée des tensions entre les communes et les familles Tsiganes / Gens du Voyage le gouvernement propose un nouveau dispositif législatif. Le 5 juillet 2000 une nouvelle Loi "relative à l’accueil et à l’habitat des Gens du Voyage" est adoptée. Si pour la première foi le terme habitat apparaît dans un texte de Loi concernant ces populations, l’orientation générale vise surtout à la création d’aires d’accueil. Elle prétend répondre : aux besoins de places pour le stationnement des caravanes et aux problèmes d’ordre public soulevés par les communes. Dans la suite de l’article 28 de la Loi Besson, l’obligation pour les communes de plus de 5000 habitants de s’inscrire dans le cadre du schéma départemental pour participer à la création d’aires d’accueil est à nouveau posée, en élargissant cette obligation à l’ensemble des communes. Pour encourager au respect des obligations, l’Etat prévoit d’aider largement les collectivités territoriales pour l’investissement et le fonctionnement de ces aires. Il fixe également des délais de réalisation.